May 26, 2020 by Simon Laurent

Fablabs et Manufactures de proximité

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Dans l’édition du Figaro datée du 21 juin dernier, Patrick Levy-Waitz, président de l’association France Tiers-Lieux (ci-après FTL), propose au gouvernement la création de 500 « Manufactures de proximité » prioritairement destinées aux petites villes et aux villes moyennes.

Associée au plan de relance que doit proposer le gouvernement en septembre prochain, la création de ces manufactures doit être accompagnée d’un fonds de 250 à 350 millions d’euros. Elles auront pour objectif de réduire la fracture numérique et de développer la transmission, la formation ainsi que l’insertion des décrocheurs scolaires. Ces manufactures seraient gérées par 1 000 « manufacturiers » formés à cet effet.

Loin d’être une idée sortie du chapeau, les « manufactures de proximité » existent déjà plus ou moins. Ce sont les Fablabs et Tiers-Lieux écosystèmes équipés d’ateliers de fabrication numérique et traditionnelle. Et c’est très certainement en partie grâce au dynamisme des Fablabs en France ces 10 dernières années, grâce à leurs expérimentations et au travail d’analyse et de promotion de leurs réalisations menées par notre association que cette proposition peut se faire jour aujourd’hui. Et avec eux tous les acteurs de l’écosystème des « Communs ». Certains des plus anciens dans le milieu des Fablabs Français feront le rapprochement avec « les micro-usines de quartiers » dont les prospectivistes de la fabrication distribuée parlaient déjà en 2010. Beaucoup de Fablabs en France sont déjà de potentielles unités de micro production et la crise du COVID-19 a permis de révéler leur capacité d’organisation, leur sérieux et leur résilience.

Si aujourd’hui nous en savons encore peu sur les modalités pratiques et la mise en oeuvre des « manufactures de proximité », il est évident qu’elles seront pour les Fablabs Français une opportunité de développement sans précédent. Elles permettront d’appuyer plus fortement encore le développement de structures hybrides artisanat/industrie/formation là où le besoin est le plus criant. S’appuyant sur les acquis, l’expertise et les communautés des Fablabs, et portant plus avant leur dynamique de développement, les manufactures devront accompagner la relocalisation de la production, la valorisation et la diffusion des compétences des artisans et leur hybridation avec les compétences des Makers. Cette hybridation permettra à l’écosystème de l’artisanat et de l’innovation d’être plus robuste pour affronter les enjeux économiques, écologiques et humains du XXIe siècle.

C’est pourquoi dès le 22 juin, nous avons proposé au président de FTL que le RFFLabs soit associé aux travaux prospectifs sur la mise en place de ces fameuses manufactures. Gouvernance, gestion, financement, formation, Communs… Les modèles de déploiement des manufactures doivent être questionnés au regard du patrimoine informationnel commun développé dans les Fablabs et les Tiers-Lieux. Nous devrons être particulièrement vigilants à ce que ce déploiement se fasse en s’appuyant sur les acquis et l’expertise des lieux existants et en accord avec les écosystèmes locaux. Le soutien public à ce développement ne pourra être fait au détriment de chantiers tout aussi urgents mais de manière symbiotique, et les opérations financières (achat de machines, concessions de locaux) devront se dérouler en toute transparence et équité. Nous accorderons une attention toute particulière à ce que ce beau projet ne donne pas lieu aux effets d’aubaine pour des acteurs qui profiteraient du caractère inédit de ce type d’opération pour faire valoir une expertise monnayable et bâtir une position de monopole.

Nous le savons, la mise en place d’une franchise à l’échelle nationale n’assurera pas la réussite de l’installation de ces quelques 500 structures. Interrogé à ce propos, j’ai réaffirmé la nécessité pour le dispositif en cours de création de s’appuyer sur l’expertise collective, l’expérience commune et les acteurs des territoires. La mise en œuvre de cette initiative doit être l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de gestion déjà à l’œuvre à diverses échelles, une gestion « en Communs » qui permettra de bénéficier de la force, de la capacité de réaction et de la résilience dont les réseaux de Makers ont su faire la preuve lors de la crise sanitaire. Une organisation ni pyramidale, ni propriétaire, mais en « libre et open-source » basée sur les principes du partage, de l’ouverture, de la réciprocité et de la transparence.

Seule l’attention à l’application stricte de ces modes d’organisation innovants nous permettra de profiter collectivement des bénéfices de ces manufactures, et d’en faire des moteurs, des accélérateurs de transition portés par et pour les territoires. Il faudra systématiquement questionner le terrain pour créer des synergies, des alliances locales, des complémentarités.

En tant que partenaire de FTL et membre du Conseil National des Tiers-Lieux, le RFFLabs sera présent pour contribuer à la hauteur de ses ressources dans un esprit ouvert et bienveillant.

Simon Laurent Président du Réseau Français des Fablabs